furomaju

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2016年5月17日火曜日

Bangkok + dé

 

En thaï, Bangkok se dit Krung Thep mahanakhon amon rattanakosin mahintara ayuthaya mahadilok phop noppharat ratchathani burirom udomratchaniwet mahasathan amon piman awatan sathit sakkathattiya witsanukam prast, ce qui d'après Wikipedia signifie : 

Ville des anges, grande ville, résidence du Bouddha d'émeraude, ville imprenable du dieu Indra, grande capitale du monde ciselée de neuf pierres précieuses, ville heureuse, généreuse dans l'énorme Palais Royal pareil à la demeure céleste, règne du dieu réincarné, ville dédiée à Indra et construite par Vishnukarn

Il s'agirait du nom de lieu le plus long du monde ! Je le trouve magnifique, et j'ai eu l'envie de le faire passer par le S+dé de l'OULIPO. 
La contrainte s+dé est une variante du célèbre s+7, qui consiste à remplacer chaque substantif d'une texte par le septième trouvé après lui dans le dictionnaire. Avec s+dé, les mots sont choisis par le résultat d'un coup de dé, par exemple un 5 fera choisir le cinquième mot venant après le mot du texte d'origine. J'ai utilisé le Littré pour les noms communs, et un dictionnaire en ligne pour les noms propres. Voilà ce que ça donne : 

Ville
Villégiateur
Villegiature
Villéliade
Villette
Villosité
Vimaire

Anges
Angélolatrie
Angelot
Angelus
Angine
Angiographie 
Angioleucite

Résidence
Résident
Résidu
Résignant
Résignateur
Résignation 
Résiliation 

Bouddha  
Eugène Boudin  
Louis Antoine de Bougainville
Jeannette Bougrab
Michel Boujenah
Boukhara
Nikolaï Boukharine

Émeraude
Émère
Émergence
Émeri
Émerillon
Émériat
Émersion

Dieu
Diève
Diffamari
Diffamateur
Diffamation
Différence 
Différenciation 

Capitale
Capitaliste
Capitan-pacha
Capitation
Capitel
Capitiluve
Capivard

Monde
Mondification
Mondilles
Mondrain
Mongette
Monisme
Moniste

Pierres
Pierrées
Pierreries
Pierrier 
Pierriste
Pierrot
Pierrures 

Palais
Palamède
Palamédée
Palamidière
Palampore
Palan
Palanche

Demeure
Demi-aigrette
Demi-air
Demi-amazone
Demi-anglaise
Demiard
Demi-aune

Règne
Régnicole
Regonflement
Regorgement
Regrattage
Regratterie
Regrêlage

Indra
Indre  
Indre-et-Loire
Miguel Indurain  
Les Ingouches
Jean Auguste Dominique Ingres
Innocent III
 
Vishnukarn
La Vistule  
Antoine Vitez  
Vitry-le-François  
Vittel  
Vittorio De Sica  
Antonio Vivaldi



Lancé n°1

Villégiature des angines, grande villégiature, résidu du Michel Boujenah d'émergence, villégiature imprenable du diffamateur Ingres, grand capitaliste du monisme ciselé de neuf Pierrots précieux, villégiature heureuse, généreuse dans l'énorme Palamède Royal pareil à la demi-amazone céleste, regonflement du diffamateur réincarné, villegiature dédiée à Ingres et construite par Antonio Vivaldi


Lancé nº2

Villette des angioleucites, grande villette, regrattage du Boudin d'émersion, villette imprenable de la différence Indre-et-Loire, grande capitation du mondrain ciselée de neuf pierrures précieuses, villette heureuse, généreuse dans l'énorme Palampore Royal pareil à la demi-aigrette céleste, regrattage de la différence réincarnée, villette dédiée à l'Indre-et-Loire et construite par Vitry-le-François


Lancé nº3

Villosité des angelots, grande villosité, regorgement du Boukharine d'émère, villosité imprenable du diffamari Innocent III, grande capitiluve de la mongette ciselée de neuf pierrereries précieuses, villosité heureuse, généreuse dans l'énorme Palamidière Royale pareille au demi-air céleste, regrêlage de la diffamation réincarnée, villosité dédiée à Innocent III et construite par La Vistule



2016年5月12日木曜日

Note sur Nuits sans nuit de Michel Leiris

J’aime rêver, j’attends chaque nuit avec impatience, pour être témoin des histoires de fou qu’elle me réserve. En général, je ne suis pas déçu, mes rêves vont assez loin dans la bouffonnerie, le body horror et les hybrides non-homologués. Rêver, c’est accueillir l’étranger en soi, je me rappelle avoir rêvé d’être un mouton en spaghettis qui cherchait de la sauce. J’aime rêver dans une langue étrangère, rêver en split screen ou bien faire des meta-cauchemars, avec prise de conscience soudaine du scénario et critiques en temps réel avec les protagonistes du rêve. Le rêve dirigé m’intéresse moins, j’ai essayé en vain, et ce que j’aime c’est justement la surprise et l’abandon intégral. 

  

J’ai lu Nuits sans nuit de Michel Leiris, journal intime de rêves, suite de récits de rêves écrits au réveil, “négatif” (au sens photographique) de son journal diurne. Excepté un rêve non-daté (“rêve très ancien”), les rêves enregistrés par Leiris vont de 1923 (Leiris était alors surréaliste) jusqu’en 1960 : quarante années de rêves, régulièrement consignés. Sur la quatrième de couverture, Leiris tente de définir le rêve, d’abord par ce qu’il n’est pas : ni évasion (il vient du “même creuset que nos pensées du jour”), ni “révélation” en lui-même (l’interprétation se fait à l’état de veille, en pleine lucidité, par association d’idées). Pour Leiris, le rêve est bel et bien “poésie”, si poésie signifie “activité de l’esprit” (l’expression est de Tzara). Pas (ou vraiment très peu) d’analyses des rêves, le lecteur doit se contenter de leur contenu manifeste, les rêves sont des poèmes, à accepter tels qu’ils sont, sans chercher de sens caché. Le rêve est fragile, un rien le brise... Les interpréter, ou chercher à le faire, reviendrait à se rendre dans une galerie ou un musée et à tout casser, ce qui est parfois tentant (je pense aux expos de Takashi Murakami), mais non, en fait. Je raconte absolument n’importe quoi ! Cette digression inutile et à peine drôle pour dire qu’en lisant Nuits sans nuit, je n’ai pas essayé de relier ces rêves à ce que je savais de l’auteur, je les ai lus comme des poèmes fantastiques parfaitement autonomes, tenant debout tout seuls comme des grands. Cette note passée inaperçue dans Cool Memories V de Baudrillard me paraît importante, pour redéfinir le rêve comme séduction : 

“Au lieu que le rêve soit le lieu d’accomplissement de désirs venus de la vie réelle, ce serait le réel qui serait le lieu d’accomplissement de désirs nés du rêve”. 

Voici ceux que j’ai préférés :

 

Que j’aimerais me changer en pile d’assiettes quand une conversation m’ennuie !


LE FÂCHEUX : oui alors transversalité gnagnagna création d’imaginaire pour une entreprise gnagnagna  gnagnagna Maffesoli gnagnagna

RALOUF (se transforme en pile d’assiettes)


 


Parfaite définition du rêve, objet burlesque et gracieux.


 


Je voudrais voir un film ou un dessin animé, en vue subjective, montrant un type coincé en 2D dans une toile cubiste...


 


L’amour comme suite de chromos prévisibles, mais peut-être aussi : naïveté nécessaire, esprit d’enfance retrouvé...


 

Pendant ma lecture, je me suis souvenu d’un petit texte de Roland Barthes, qui opposait le récit de rêve, définitivement ennuyeux, au fantasme (à lire ci-dessus). À mon avis, Leiris fait mentir Barthes la plupart du temps. Ses récits de rêves sont en grande majorité troublants, drôles, inquiétants, mystérieux... Séduisants. Ils “donnent à voir” immédiatement. Pas tous, les récits les plus longs (deux ou trois pages) sont moins intéressants, l’impact est moins fort ; les meilleurs sont, je pense, les plus courts et/ou ceux dont le référent est connu (Breton, Desnos par exemple). 

 

Certains rêves laissent apparaître le goût de Leiris pour le jeu sur la matérialité du langage, la remotivation de l’arbitraire du signe, ainsi ce rêve de noyade qui s’achève, au réveil, par cette phrase digne de Glossaire j’y serre mes gloses (elle y figure peut-être ? je ne sais plus) : “Nadia, naïade noyée”. Leiris précise que cette phrase agit à la fois comme “explication” et comme “consolation”, c’est sans doute une clé pour comprendre son rapport à la poésie (zut, on avait dit pas d’analyse). 

Beau recueil donc, qui montre que la passion de Leiris pour le rêve s’est poursuivie bien après sa période surréaliste. Ce n’est peut-être pas le premier livre à lire pour découvrir Leiris (L’Âge d’homme ! le Glossaire !), de plus je conseille d’y aller doucement, de picorer sous peine de se lasser assez vite... Mais enfin, j’ai beaucoup aimé, ce livre m’a donné envie de 

1) le cut-uper, le “poème-expresser”, le “haïkuiser” (réduire chaque rêve à quelques-uns de ses traits saillants)

2) reprendre le “journal de rêves” que j’avais tenu trois semaines quand j’étais lycéen, pendant les grandes vacances (je ne connaissais pas Leiris à l’époque, le surréalisme à peine). Chaque soir, je mettais le réveil à 4 heures du matin, avec un carnet et un stylo à côté du lit. J’écrivais le rêve et me rendormais aussitôt. 


  


PS : Inséré dans un récit de rêve, ce souvenir “réel” m’a rappelé l’émerveillement ressenti en avion lors du survol de la Sibérie, je m’étais aussi fait la réflexion qu’on dirait vraiment des “sumi-e”, dessins à l’encre de Chine...